Conception de capteurs optroniques

Quelques exemples de rayonnement

Réflexion par une surface

Lorsqu'on éclaire une surface, l'interaction des photons avec le matériau de la surface se traduit, en fonction de la lumière incidente (direction, longueur d'onde et polarisation, essentiellement) par trois phénomènes : réflexion, transmission et absorption (figure 8). Dans une première approche, chacun d'entre eux est spécifié, en considérant que la surface est éclairée depuis la direction (θ',φ') et à la longueur d'onde λ, par le facteur spectral directionnel de la surface :

  • en réflexion, R(λ,θ',φ'), qui est le pourcentage du flux incident renvoyé dans le milieu initial (à la même longueur d'onde),

  • en transmission, T(λ,θ',φ'), qui est le pourcentage du flux incident traverse la surface à la même longueur d'onde,

  • en absorption, A(λ,θ',φ'), qui est le pourcentage du flux incident « digéré » par la surface puis, comme on le verra plus loin, converti en émission, dite thermique, sur un spectre large.


   
    Figure 8 : Facteurs de réflexion et de transmission directionnels d'une surface
Figure 8 : Facteurs de réflexion et de transmission directionnels d'une surface [zoom...]

Si on veut connaître le sort de la lumière qui est, par exemple, réfléchie par la surface, il ne suffit pas de connaître le facteur spectral directionnel en réflexion de cette dernière pour la direction et la longueur d'onde en question, et il en est de même pour la lumière transmise. Pour s'en convaincre, il suffit d'observer un mur blanc et un miroir, sous éclairage identique (collimaté et monochromatique) : même si leurs facteurs de réflexion sont très proches, leurs luminances en réflexion sont très différentes, car l'un (mur) est une surface diffusante, et l'autre (miroir) une surface spéculaire.

Le paramètre à utiliser pour spécifier le comportement angulaire de la lumière réfléchie par une surface en éclairage dirigé et monochromatique est la “fonction spectrale de distribution bidirectionnelle en réflexion ” (ou « BRDF ») : la BRDF (λ,θ,φ,θ',φ') de la surface (ou BTDF en transmission) est le rapport entre la luminance LR (λ,θ,φ) du rayonnement qu'elle réfléchit dans la direction (θ,φ) et son éclairement E (λ,θ',φ'), si celui-ci, de longueur d'onde λ, provient de la direction (θ',φ') :

Suivant le diagramme angulaire de la lumière qu'elles réfléchissent lorsqu'on les éclaire de façon collimatée, on classe les surfaces en deux grandes familles: surfaces diffuses (ou mates) et surfaces spéculaires (miroirs) : une surface diffuse dont la luminance en réflexion est constante pour une direction d'éclairage donnée est dite «lambertienne» : pour une direction d'éclairage, sa BRDF est constante, égale à  fois la valeur du facteur de réflexion directionnel de la surface pour cette direction.

La plupart des objets naturels ont une surface diffuse, à l'exception des étendues d'eau calmes (étangs). Le caractère diffus d'une surface est fortement lié à sa rugosité optique (fluctuations de son relief par rapport à la longueur d'onde optique). La majorité des surfaces diffuses changent de comportement en fonction de la longueur d'onde et de l'incidence de l'éclairage. Elles ont tendance à devenir de plus en plus spéculaires lorsque l'on fait croître λ (c'est à dire si on passe de l'UV au visible, puis à l'IR et encore plus en radar) et l'angle d'incidence (passage de l'incidence normale à l'incidence rasante). Le comportement des surfaces spéculaires sera abordé avec celui des surfaces optiques.

Si on doit concevoir un capteur qui observe des objets sous éclairage (naturel ou artificiel), il importe d'en spécifier les conditions (figure 9), puisque une surface réagit différemment à l'éclairage, en fonction de sa direction et de sa longueur d'onde. Ainsi, pour une valeur d'éclairement donné, l'aspect de la surface sera très différent en éclairage «collimaté» (il ne provient que d'une direction de l'espace, par exemple par un laser, une torche, le soleil en direct, ...), omnidirectionnel (il provient de plusieurs directions), ou encore hémisphérique (il est assez uniformément réparti sur la demi sphère vue par la surface, ce qui est le cas, en première approximation, d'une surface horizontale éclairée dans le visible par un ciel bleu).


   
    Figure 9 : Différents types d'éclairage : collimaté, omnidirectionnel, hémisphérique
Figure 9 : Différents types d'éclairage : collimaté, omnidirectionnel, hémisphérique [zoom...]

Rayonnement thermique

A température non nulle, tout corps émet un rayonnement, dit thermique, qui est dû à l'agitation de ses électrons. La loi de Kirchhoff montre que la luminance spectrique thermique d'un corps quelconque X à la température T, dans une direction (θ,φ) par rapport à la normale à sa surface, est proportionnelle à la valeur de son facteur d'absorption spectral pour cette direction (introduit dans le paragraphe précédent),

Le rayonnement thermique d'un matériau étant proportionnel à son facteur d'absorption, on dénomme aussi ce dernier émissivité spectrale directionnelle ε(λ,θ,φ). Le second paramètre qui intervient dans la relation ci-dessus est la luminance spectrique qu'aurait cet objet si, placé à la même température, il absorbait complètement tout rayonnement (quels que soient λ, θ, et φ). Cet absorbeur parfait, ou corps noir, a fait l'objet de nombreuses études. Placé dans une enceinte isotherme, il émet un flux identique à celui qu'il absorbe avec une luminance spectrique uniforme (émission lambertienne, non polarisée), dont la valeur est donnée (figure 10) par la relation suivante (loi de Planck):

où h est la constante de Planck ( h = 6,62 10-34 Js ),

c la vitesse de la lumière dans le vide ( c≈ 3 108 ms-1 )

et kB la constante de Boltzmann ( kB = 1,38 10-23 JK-1 )


   
    Figure 10 : Luminance spectrique du corps noir, en fonction de sa température
Figure 10 : Luminance spectrique du corps noir, en fonction de sa température [zoom...]

Rayonnement global d'une surface sous éclairage omnidirectionnel

Le rayonnement global d'un objet résulte donc de la réflexion d'une partie de l'éclairage ambiant et de son émission propre. Si un élément de surface, de température T, reçoit un éclairement spectrique dE/dλ depuis la direction (θ',φ'), la luminance spectrique de cet élément dans la direction (θ,φ) est :

Si cet élément est une surface diffuse, et qu'il est éclairé de façon hémisphérique (cas de nombreuses scènes naturelles), toute source qui est présente dans le demi-espace utile participe à la luminance en réflexion de la surface en question, par l'intermédiaire de sa BRDF. Par contre, si la surface est spéculaire, il n'y a qu'une seule direction de l'espace qui contribue à la luminance de la surface, à savoir celle qui est symétrique de la direction d'éclairage, suivant la loi de la réflexion en optique géométrique, les autres directions d'éclairage étant réfléchies ailleurs.

Pour une une scène naturelle à température ambiante, l'origine principale du rayonnement dépend de la bande spectrale du capteur :

  • Dans le visible et le très proche infrarouge, c'est la réflexion de l'éclairage ambiant qui est la principale contribution, car l'éclairement spectrique dû au soleil est important, de même que le facteur de réflexion de beaucoup d'objets, alors que l'émision thermique du corps noir à température ambiante est très faible.

  • Dans l'infrarouge lointain (8-12 µm), le rayonnement thermique est à son maximum, et l'éclairement solaire faible, de même que le facteur de réflexion des objets (ils se comportent quasiment comme des corps noirs, sauf les métaux polis).

  • Dans la bande infrarouge intermédiaire (3-5 µm), le rayonnement provient à la fois de l'émission thermique des objets et de la réflexion de la lumière ambiante, la part relative de chacune étant fonction des conditions d'éclairage (jour/nuit, présence ou absence de soleil).

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